Des solutions contre le foot-business

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Le Parlement européen a adopté il y a quelques jours un rapport intitulé « Les défis des organisateurs d’événements sportifs dans l’environnement numérique ». Ce rapport est en plein dans l’actualité européenne avec le coup d’envoi de l’Euro de Football ce vendredi. Concrètement, le Parlement donne son aval pour que l’Union européenne mette en place un plan de lutte contre les rediffusions piratées de rencontres sportives. Il est donc possible que nous assistions à la fermeture de sites comme Batmanstream ou Drakulastream, où l’on peut suivre gratuitement des rencontres sportives normalement diffusées sur des chaînes payantes (et chères), mais au prix de fenêtres surgissantes et de commentaires en langue étrangère.

Le rapport était étudié en commission des affaires juridiques, dont je suis membre. Je siégeais en tant que rapporteur fictif, c’est-à-dire que je représentais mon groupe de la Gauche unitaire européenne pendant la rédaction.

➡️ Retrouvez mon article Mes amendements pour lutter contre le foot-business

Il est vrai que ce texte ne porte pas d’enjeu vital ou prioritaire, comparé à d’autres dossiers de cette plénière du mois de mai (financement de la transition écologique, protection des droits de l’homme en contexte migratoire, établissement d’une stratégie durable de l’énergie ou encore levée des brevets sur les vaccins). Mais j’ai vu dans ce rapport l’occasion de porter mes idées pour faire évoluer le sport et le football professionnel en particulier, et un moyen de combattre le système du sport-business qui marchandise tout au détriment de l’intérêt sportif et du sport éducatif et fédérateur.

Car certaines évolutions du sport professionnel, et du football en particulier, sont à la pointe du capitalisme mortifère prêt à ignorer toute dimension humaine pour ne conserver cupidement que le potentiel de croissance, et faire du sport une pure marchandise mondialisée. L’essence du sport professionnel, c’est normalement l’apprentissage du dépassement de soi, le culte de l’effort, l’attachement à un club, la beauté du geste, l’émulation ; mais certains, comme le président de la Juventus de Turin, préfèrent dire : « le football n’est plus un jeu, mais un secteur industriel ». Les conséquences d’une telle mentalité sautent aux yeux. Le montant exorbitant de certains transferts dans les sports collectifs, les primes de matchs astronomiques, les contrats publicitaires, l’affadissement de la compétition quand ce sont les budgets qui décident de l’issue du classement… Tout cela pouvait déjà susciter de l’écœurement. Mais aujourd’hui, en pleine crise sanitaire et avec toutes les fermetures malheureuses que cela implique, les exemples de dérives se multiplient : la Ligue de Football Professionnelle (LFP) a mis en danger toute la structure amatrice et professionnelle du football français en cédant à l’appât du gain d’un opérateur télévisé qui lui propose sans garantie un contrat à 1 milliard d’euros par an ; un groupe de 12 présidents de clubs prétend former une « Super League » fermée ; le prix des abonnements en Europe explose, les grands moments de sport sont de plus en plus difficiles à voir en clair… etc.

À la racine de cette spirale spéculative qui éloigne le sport de ce que nous aimons, il y a notamment l’imbrication entre les budgets et les droits TV. Ceux-ci sont mis en vente par les ligues, et les opérateurs qui se disputent la rediffusion sont libres de faire monter les enchères jusqu’à des seuils extrêmement élevés. Mais, ensuite, il faut bien rentabiliser les investissements, et c’est pour cela que le prix des abonnements est toujours plus haut, pour une offre pourtant toujours plus restreinte. On rétorque que cette manne des droits TV irrigue aussi le sport amateur par ruissellement. En réalité, la spéculation initiale construit un système extrêmement fragile, dépendant des capacités de remboursement des opérateurs et des chaînes de télé. Or, si le système craque comme c’est arrivé en France avec Mediapro, ce ne sont pas les grands clubs qui trinquent, mais bien ceux qui n’ont pas de trésorerie suffisante pour faire face. Donc les petites structures, qui accueillent les jeunes et font vivre le sport partout et pour tous. C’est à cette spirale délétère que j’ai souhaité m’attaquer.

Le rapport avait été commandé au Parlement européen par les grandes ligues européennes de football, inquiètes de voir leurs spéculations dérégulées mises en danger par le développement des visionnages illégaux qui se détournent des offres légales (en France, 25 € pour Téléfoot pendant les 4 mois d’existence de la chaîne, 19 € pour RMC Sport, 15 € pour BeIn).

J’étais plutôt favorable à une lutte contre le streaming illégal, car ce sont effectivement des réseaux criminels, souvent mafieux, qui mettent en danger les données des utilisateurs, et qu’il n’est donc pas question de les laisser prospérer. Mais pas question non plus de faire fermer ces sites sans s’attaquer à l’origine du problème, à savoir le mode de financement du sport professionnel ! En gardant évidemment un œil sur les solutions numériques discutées en commission, j’ai donc œuvré surtout pour le plafonnement des enchères, la régulation des sommes échangées par les acteurs du foot-business et la révocation de l’arrêt Bosman qui tue la compétition sportive à l’échelle européenne et vide les pays de leurs jeunes talents, pour en faire des marchandises échangeables sur un marché incontrôlé ; j’ai aussi proposé des amendements pour la promotion des sports moins médiatisés et le développement d’un système de redistribution qui permette au sport amateur d’exercer à fond sa mission physique, ludique, culturelle et éducative.

Mon travail n’a été repris par le rapporteur que pour agrémenter les considérations préliminaires et donner au texte une caution sociale.

La version finale du rapport préconise, en substance, de doter les détenteurs des droits de diffusions de dispositions similaires à celles encadrant la propriété intellectuelle, et de mettre en place des outils indépendants de tout contrôle judiciaire pour parvenir au blocage en 30 minutes des diffusions pirates.

Nous nous retrouvons à présent avec un rapport désolant à deux titres.
D’abord, il reste aveugle à la nécessité de réguler la spéculation dans le sport pour ne pas le vider de sa substance, et considère donc que les représentants des intérêts du sport sont uniquement les avocats des grandes ligues et des grandes chaînes privées.
Enfin, le texte n’échappe pas au ridicule, puisque le cœur du message est de parvenir à la fermeture des pages web illégales au plus tard 30 minutes après le début de la rencontre. C’est-à-dire moins que les contenus terroristes, pour lesquels le délai va jusqu’à une heure ! De plus, les serveurs illégaux sur lesquels les matchs sont diffusés sont situés à l’étranger : nous n’arrivons pas à les fermer pour des contenus pédopornographiques, mais on y arriverait pour des matchs de foot ou de basket piratés ? Ce serait un ordre des priorités lamentable.

Pas sûr, donc, que ce rapport soit suivi d’effets, et que des solutions concrètes viennent contrebalancer un texte trop docile à l’égard des détenteurs de droit. C’est donc peut-être un coup d’épée dans l’eau, mais surtout une occasion manquée pour remettre de la justice, de l’intensité et un bon esprit dans le sport professionnel.

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