Aujourd’hui, la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen votait un rapport sur les conditions de travail, les droits et la protection sociale pour les travailleurs de plateformes. Ce rapport, en route depuis 2019, revêt un enjeu d’une importance cruciale puisque la proposition de la Commission européenne, prévue pour la fin d’année 2021 et très probablement législative, devrait largement s’inspirer de ses recommandations.
Ce résultat arrive malgré le lobbying intensif des plateformes. En témoigne, il y a quelques mois à peine, la tournée des institutions européennes de Dara Khosrowshahi, PDG d’Uber, quémandant un statut spécifique pour ses travailleurs. Son objectif étant de créer un droit du travail sur mesure pour les plateformes, afin de lui permettre d’échapper à ses responsabilités d’employeur.
Des mois et des mois de discussions ardues et de négociations ont été nécessaires. Grâce à un travail effectué en commun avec les forces progressistes, Leïla Chaibi a réussi à mettre les libéraux et les conservateurs en minorité pour déboucher sur un texte protégeant les droits des travailleurs des plateformes et envoyant de bons signaux à la Commission européenne !
On salue notamment le refus ferme d’un troisième statut : ni travailleur indépendant, ni employé, ce tiers statut aurait représenté une aubaine pour les plateformes qui auraient bénéficié des avantages des deux statuts. Le travailleur, lui, aurait les contraintes du statut de salarié (lien de subordination à un patron, sanction, etc.) et les inconvénients du statut d’indépendant (pas de protection sociale). Ce que les lobbyistes voulaient nous imposer.
La demande claire à la Commission européenne d’introduire une présomption de salariat pour permettre la bonne classification des travailleurs des plateformes numériques est aussi une victoire. Cela signifie que les travailleurs des plateformes doivent être requalifiés en salariés, et bénéficier des droits y afférents, à moins que la plateforme puisse prouver que le travailleur est vraiment indépendant. La présomption de salariat doit s’appliquer dès le début de la relation de travail entre un travailleur et une plateforme numérique, et s’appliquer rétroactivement pour les travailleurs exerçant déjà.
Enfin, cette présomption de salariat combinée à la mise en place du renversement de la charge de la preuve est aussi une avancée, puisque c’est actuellement aux travailleurs de prouver qu’ils ne sont pas indépendants mais soumis à un lien de subordination exercé par la plateforme numérique. Le rapport dit ici clairement que c’est à la partie considérée employeur de prouver qu’il n’y a pas de relation d’emploi et que le travailleur est un vrai indépendant.
Le vote de ce rapport marque donc une étape importante pour le rapport de force au sein des institutions européennes quant à la protection des travailleurs des plateformes. Mais Leïla Chaibi alerte : « Je sais bien que les forces libérales et conservatrices vont se saisir du vote en plénière prévu pour septembre prochain pour essayer de détricoter ces avancées. Je ne les laisserai pas faire et continuerai à être vigilante et active pour défendre l’intérêt des travailleurs et l’intérêt général contre celui des plateformes numériques qui sont bien trop puissantes dans notre hémicycle. »
C’est également le message qu’enverront les livreurs et chauffeurs VTC qui se réuniront au Parlement européen le 30 septembre 2021 à l’occasion du “Forum transnational des alternatives à l’ubérisation #2” organisé par le groupe de La Gauche au Parlement européen. Il rassemblera plus de cent travailleurs, juristes, syndicalistes et experts de l’ubérisation, qui viendront de toute l’Union européenne et du monde entier.
Leila Chaibi, députée européenne France Insoumise