La France s’apprête à prendre la présidence tournante de l’Union européenne au premier janvier 2022. Une occasion rare dans une Europe à 27. Sous l’ère Macron, lobbyistes, grands patrons et multinationales ont une place de choix au cœur des préparatifs.
13 ans après sa dernière gouvernance, la France exercera de nouveau la fonction pour six mois. Et on peut dire que les préparatifs, organisés par le gouvernement de Macron, commencent sur les chapeaux de roues : alors que nous sommes confrontés à une crise sociale et écologique inédite, ce sont les multinationales, les lobbyistes et le MEDEF qui sont les interlocuteurs privilégiés dans l’organisation de cette présidence.
Selon les révélations de l’Observatoire de multinationales et du Corporate Europe Observatory, la présidence française sera vouée tout entière aux intérêts des grands groupes et des lobbies. Un scandale d’autant plus grave que des textes européens importants sont en discussion, du Paquet climat à la réglementation des plateformes numériques.
Le rapport met en évidence des révélations qui donnent le ton : depuis juillet, sur 19 rencontres, 15 ont été accordées aux grandes entreprises et à leurs lobbies. Le Medef, l’Afep (lobby du CAC 40), DigitalEurope (Amazon, Google, Apple, Microsoft) et la Fédération bancaire française semblent par exemple bien choyés.
Le gouvernement a même invité les multinationales à mettre directement la main à la pâte. Le 15 juin 2021, le groupe « Scale-Up Europe » (Air Liquide, BNP Paribas, BMW, Accor, Airbus, etc.) était invité à l’Elysée pour présenter des propositions en vue de créer des géants numériques européens à grand renfort de crédits d’impôts et de précarisation des travailleurs. Le secrétaire d’Etat aux affaires européennes Clément Beaune a également commandé des notes à de nombreux « think tank » financés par les multinationales. Bien sûr, il refuse de les rendre publiques.
Un goût de l’opacité et de l’entre-soi qui a tout pour plaire aux lobbies bruxellois. En témoigne les tweets du président du lobby Athenora qui se vante d’organiser des « entretien[s] confidentiel[s] dans les coulisses de la PFUE [ndlr : présidence française de l’Union européenne] » pour ses membres (Total, Orange et autres) avec le Secrétaire général de la présidence française de l’Union européenne.
Pour les plus chanceux (ou les plus « généreux »), le gouvernement se réserve également la possibilité de choisir des « sponsors » pour sa présidence. Une pratique évidemment très critiquée : le logo de Total ferait tâche sur les documents de la présidence française lorsqu’elle présidera les discussions sur la politique européenne contre le réchauffement climatique.
Au passage, on notera aussi le coût de la présidence française de l’Union européenne, qui devrait s’élever à 148 millions d’euros, sans que le détail de ces dépenses n’ait pour l’instant filtré. Pour la transparence de la vie politique, on repassera.
Recours à des sponsors privés, rendez-vous opaques avec les plus grands industriels européens et une place de maître aux lobbyistes, voilà la manière dont les banquiers qui gouvernent la France comptent profiter de ces six mois à la tête du Conseil de l’Union européenne. Les gros patrons en rêvaient, la France le fait. L’insupportable ingérence des lobbyistes et des grands patrons dans les affaires politiques européennes semble être non seulement acceptée mais surtout valorisée sous le mandat macroniste. Une confusion entre public et privé, doublée d’un pantouflage de plus en plus assumé qui sied à merveille aux profiteurs de crise, déjà largement rincés d’argent public.
Alors que les inégalités explosent à travers toute l’Union européenne, et que la crise écologique est une véritable bombe à retardement, la future présidence française semble avoir défini ses priorités : choyer de grandes multinationales au nom d’un hypothétique ruissellement dont on a pas encore vu la couleur, et au détriment des besoins essentiels des populations européennes.