En catimini le 31 décembre, alors que les esprits étaient tournés vers les fêtes de fin d’année, la Commission européenne a envoyé son acte délégué sur la future taxonomie verte européenne, y intégrant le gaz et le nucléaire. Une décision qui passe pour le moment sous les radars, mais qui revêt pourtant un intérêt crucial : la taxonomie verte a pour objectif d’orienter les flux d’investissements privés vers des activités considérées comme “durables”, en proposant des critères pour évaluer cette durabilité.
Tout cela est bien joli sur le papier, mais dans les faits, de nombreuses pressions ont été exercées par Emmanuel Macron et par les lobbyistes qui font leur beurre sur le gaz et le nucléaire, afin de pousser la Commission européenne à intégrer dans cette liste ces deux dangers écologiques majeurs. Le texte définitif que présentera prochainement la Commission sera ensuite soumis au vote simple au Parlement européen, et enclenchera alors une aberration écologique de taille si cette dernière ne revient pas sur sa position : la relance des investissements européens en faveur de ces deux énergies, au détriment d’un engagement économique fort et massif dans le secteur des énergies renouvelables.
Macron et la Commission européenne, le gang des magouilleurs pro nucléaire
Macron a beau vanter sa politique écologique à tout va, cette dernière semble bien peu encline pourtant à favoriser les investissements vers les activités durables, auxquelles il semble préférer celles dont les bilans carbones sont peu reluisants, qu’importe tant qu’elles rapportent gros. Pour une réponse forte à l’urgence climatique, on repassera.
D’ailleurs, son bilan en matière d’écologie parle de lui-même: réintroduction des néonicotinoïdes, non respect des accords de Paris, non respect des engagements sur les financements internationaux pour soutenir les pays en développement, sans parler de l’immense débâcle de la Convention citoyenne pour le climat, dont les recommandations ont été jetées aux oubliettes sans ménagement.
Mais en sous-marin aussi Macron agit contre le climat, notamment au sein des institutions européennes, pour arranger ses petites affaires. En effet, les coups de pression du Président se sont accumulés à l’encontre de la Commission européenne pour faire reconnaître le nucléaire comme une énergie durable. Il a annoncé il y a quelques mois, en pleine crise de la flambée des prix de l’énergie, vouloir investir massivement dans le parc vieillissant du nucléaire français à hauteur de 150 milliards d’euros, ce qui aurait pour conséquence d’enfermer la France dans la spirale du nucléaire pour des dizaines d’années supplémentaires.
En réalité, le nucléaire est en fin de vie : les centrales françaises sont vieillissantes, manquent de contrôle, et de financement pour leur entretien : les renouveler pour augmenter leur temps de vie est aussi extrêmement coûteux (des milliards d’euros sont engloutis chaque année pour les conserver). De plus, elles sont soumises aux aléas du climat qui, en temps de forte chaleur en été ou d’inondation en hiver (deux phénomènes qui sont amenés à s’accentuer fortement), entrainent la coupure de certaines centrales au vu des risques d’accident nucléaire. Tout cela est vraiment très rassurant… Enfin, les déchets nucléaires représentent un problème majeur : rien qu’en France, il existe 1 700 000 m3 de déchets nucléaires qui sont stockés dans des parcs à déchets radioactifs, ou enfouis. Un problème que la France, comme d’autres pays, a tendance à cacher sous le tapis (le tapis étant le sol qui nous nourrit et permet notre survie).
Si Macron tient autant à la conservation du parc nucléaire, ce n’est pas par nostalgie du passé : cela s’inscrit dans sa stratégie électorale où il se présente en grand protecteur de l’industrie française. Ainsi, pour acheminer son plan du retour du nucléaire français, rien de mieux qu’un blanc seing donné par l’Europe. Et pour ça il n’a d’ailleurs pas hésité à faire des deals avec des pays qui s’assoient sur le respect de l’état de droit, tels que la Hongrie ou la Pologne : “défend mon nucléaire, je défendrais ton gaz”. Pourtant, des solutions alternatives sont possibles, souhaitables, et donnent de l’espoir pour l’avenir : les énergies renouvelables.
Les mensonges autour de l’indispensabilité du nucléaire dans le parc énergétique
Les énergies renouvelables souffrent d’un discours négatif par celles et ceux qui leur prônent le nucléaire, notamment sur leur capacité à atteindre la sécurité énergétique, c’est-à-dire de l’électricité pour toute la population. Évidemment, la transition énergétique que nous appelons de nos vœux ne se fait pas du jour au lendemain, elle nécessite une forte planification, une restructuration des secteurs, un plan de reconversion professionnelle, et des moyens financiers d’envergures. Surtout, elle passe par la sobriété énergétique, c’est-à-dire par le fait d’arrêter de gaspiller de l’énergie inutilement. Pour cela, il faut repenser nos modes de production et de consommation, mais aussi lancer un grand plan de rénovation thermique des bâtiments. Sur ce plan, la France est clairement en retard, et malgré les belles paroles du gouvernement, les moyens mis en place sont extrêmement insuffisants. Pourtant, cette rénovation d’envergure est essentielle : elle permettrait à la fois de réduire nos besoins en énergie et de réduire les factures des ménages, dont les 5 millions de ménages français en situation de précarité énergétique. Une fois les besoins réduits, les énergies renouvelables pourront assurer notre sécurité énergétique, surtout nous investissons dans la recherche et le développement pour les améliorer. Ne l’oublions pas : c’est en se donnant les moyens d’une véritable bifurcation écologique que nous arriverons à creuser le chemin vers une sortie de la crise climatique qui touche le monde entier.
Le gaz ou le nucléaire ne sont pas des solutions d’avenir : l’Union européenne doit condamner l’utilisation de ces énergies et favoriser les investissements dans l’énergie de demain. Accompagnés de la création d’un pôle public de l’énergie, qui permettra une stabilité des prix, les européennes et européens auront enfin une électricité verte, et accessible sur le plan économique. Malheureusement, la Commission européenne semble prendre le mauvais chemin : il est bien triste de voir qu’elle préfère céder lâchement aux injonctions de Macron, quitte à sacrifier au passage la lutte contre le réchauffement climatique, et notre sécurité à tous. Don’t look up, vous n’aimerez pas ce que vous y verrez.