Depuis le début de son mandat, Leïla Chaibi est particulièrement impliquée sur le problème de l’ubérisation et plus particulièrement sur les droits des travailleurs des plateformes. Aujourd’hui, le Parlement européen a voté un rapport qui envoie un message important : ces plateformes doivent assumer leurs obligations d’employeurs et cesser de se cacher derrière l’usage frauduleux du statut de travailleur indépendant. Une belle victoire pour notre eurodéputée insoumise.
Uber, Deliveroo, Glovo… ces plateformes ont toutes un point commun : elles exploitent des travailleurs sans leur accorder la moindre garantie. Recrutés sous statut d’indépendants, ces livreurs ou chauffeurs travaillent de la même manière que s’ils étaient salariés, sans bénéficier de la protection sociale qui accompagne normalement tout travail. Ils sont dans les faits soumis à la subordination d’un employeur qui contourne le droit du travail, s’exonère de ses responsabilités sociale, civile et pénale en tirant profit d’une main d’œuvre fragile et corvéable.
Leïla Chaibi se bat depuis des années pour que ces plateformes ne puissent plus agir en toute impunité. L’année dernière, elle avait notamment organisé un forum sur l’ubérisation et même rédigé une directive pour pousser la Commission européenne à réagir. Ce travail a payé : le Parlement européen a aujourd’hui voté un rapport indiquant sa position sur ce que devrait être la proposition législative de la Commission européenne, prévue pour le 8 décembre 2021. Et il comporte des avancées majeures.
Présomption d’une relation de travail
Le rapport demande la présomption de relation de travail, c’est-à-dire que les travailleurs soient considérés comme des salariés dès le premier jour de la relation de travail. Cela ne signifie pas que tous les travailleurs des plateformes sont salariés : ceux qui travaillent pour des plateformes qui respectent les prérogatives du statut d’indépendant pourront bien évidemment rester indépendants. Mais dans le cas d’un litige, ce sera désormais à la plateforme d’apporter les preuves qu’elle n’exerce aucun lien de subordination et non plus au travailleur. C’est le renversement de la charge de la preuve.
La deuxième grande avancée est le refus ferme d’un statut tiers. Le rapport écarte le rêve, pas si secret, que les lobbyistes des plateformes voulaient imposer depuis des mois : un statut spécifique. Entre indépendant et salarié, ce statut ne donnerait aux travailleurs, ni les avantages du salariat (protection sociale, droit du travail) ni les avantages de l’indépendance (choix des tarifs et des horaires notamment), mais les inconvénients des deux. Globalement, le beurre et l’argent d’Uber.
En tant que rapportrice fictive du groupe politique La Gauche au Parlement européen, Leïla Chaibi a réussi à infliger une défaite aux lobbys des plateformes numériques, initialement prêts à tout pour légaliser la situation actuelle de fraude massive reposant sur le statut de faux indépendant. Les émissaires d’Uber, Deliveroo et autres Glovo, sont désormais vent debout contre ce rapport.
Risque de casse du salariat
Si le premier objectif de cette bataille est de sortir de la précarité les livreurs de repas, chauffeurs VTC et tous les faux indépendants travaillant via une plateforme numérique de travail, l’enjeu va bien au-delà. Ce combat, Leïla Chaibi le mène pour l’ensemble du monde du travail : si aujourd’hui nous permettons à Uber d’avoir des travailleurs sous ses ordres sans assumer sa responsabilité d’employeur, demain l’ensemble des salariés verront leur statut menacé de remplacement par celui de faux indépendant. Car si cela devient légal, pourquoi les entreprises ne substitueraient-elles pas leurs salariés par des travailleurs ubérisés, généralisant ainsi cet esclavagisme à la sauce numérique ?
Travailleurs 1 – Lobbys 0, match retour à suivre
Le vote de ce rapport marque une étape importante dans le rapport de force européen quant à la protection des travailleurs des plateformes. Mais ce n’est que le début d’un long processus et le combat continue. Les forces libérales et conservatrices préparent déjà la contre-offensive. La présidence française de l’Union européenne au 1er semestre 2022 sera notamment un moment clé. Les plateformes le savent, Emmanuel Macron est leur principal VRP en Europe. Et Macron de son côté, a bien identifié ces plateformes comme des alliés, car elles représentent un véritable cheval de Troie pour détricoter le droit du travail.
C’est pourquoi Leïla Chaibi appelle la Commission européenne à entendre le message fort du Parlement européen, allant dans le même sens que les décisions administratives et judiciaires et dans le sens des travailleurs eux-mêmes : les plateformes numériques doivent appliquer une présomption de salariat.
C’est également le message qu’enverront les livreurs, chauffeurs VTC, juristes, syndicalistes et experts de l’ubérisation de toute l’Europe qui se réuniront à Bruxelles le 27 octobre 2021 à l’occasion du “Forum transnational des alternatives à l’ubérisation #2”, organisé par notre groupe de La Gauche au Parlement européen.