En novembre 2019, le Parlement européen proclamait l’état d’urgence climatique et environnementale en Europe. Un signal fort pour exiger que le changement climatique soit désormais placé au cœur des politiques européennes. Mais force est de constater que les initiatives conduites depuis par l’Union européenne ne vont pas dans ce sens.
La loi climat européenne, clef de voûte du prétendu Pacte vert de la Commission, aurait pu inscrire dans le marbre de la loi des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre à même de répondre à l’urgence. Mais les négociations interinstitutionnelles bâclées ont accouché d’un texte peu ambitieux et insuffisant au vu de la situation climatique.
L’UE insensible aux cris d’alarme de la science
Les rapports scientifiques sur le réchauffement climatique s’accumulent, sont l’objet de quelques couvertures médiatiques, et finissent par rejoindre le cimetière des recherches qui prônent la nécessité d’une bifurcation écologique d’envergure. Si les chefs de gouvernements, les ministres de l’écologie et les grands pontes de l’Union Européenne tiennent de longs et beaux discours sur l’écologie comme préoccupation majeure de leur politique, les actes qui s’en suivent et leur manque d’ambition en faveur du climat prouvent qu’il s’agit plus d’un greenwashing institutionnel que d’une vraie volonté politique qui prend acte de la plus grande crise de notre temps.
Hier encore, une partie du dernier projet de rapport du GIEC, teinté d’un vocabulaire apocalyptique, alertait sur la transformation inéluctable de la vie sur Terre. Lors de la signature de l’Accord de Paris en 2015, de nombreux Etats se sont engagés à limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, et si possible à 1.5°C. Le GIEC estime désormais que dépasser ce seuil de 1,5 °C de hausse des températures pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». Les faits scientifiquement établis devraient amener les décideurs politiques à agir davantage pour le climat, malheureusement il n’en est rien. Les nombreuses mobilisations citoyennes à travers le monde qui exhortent les gouvernements à faire preuve de responsabilité face à cette crise sont tout autant ignorées.
Le manque d’ambition de la loi Climat
En dépit de ces nombreuses recommandations, les négociateurs pour la loi climat ont fixé un objectif de réduction d’au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre… Ce chiffre déjà en retrait par rapport à ce qu’avait adopté le Parlement au mois d’octobre repose sur un artifice comptable qui l’affaiblit encore davantage. En effet, lorsque l’on retire du calcul l’absorption naturelle par les puits de carbone, tels que les forêts, l’objectif réel s’avère être de 52.8%.
Ainsi, en fixant une réduction des émissions plus faible que celle nécessaire pour respecter la cible de 1.5°C, l’Union européenne acte qu’elle ne met pas tout en œuvre pour respecter l’Accord de Paris. Cette faute politique majeure démontre l’irresponsabilité des décideurs européens dans la lutte mondiale contre le réchauffement climatique.
Pour parachever cette politique écologique des petits pas, il a été décidé, malgré la position du Parlement en première lecture, que l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050 au plus tard ne concernerait que l’Union européenne dans son ensemble, et non pas à chaque Etat membre. Dès lors, la réalisation de cet objectif est laissée au bon vouloir des différents Etats de l’Union européenne.
Il faut se rendre à l’évidence. C’est dans l’objectif de protéger les intérêts financiers et économiques des grandes entreprises les plus polluantes que l’Union européenne freine des quatre fers et refuse d’organiser la bifurcation écologique et sociale nécessaire. Il en a été de même sur le vote de la nouvelle Politique Agricole Commune, qui nous engage jusqu’en 2027 et qui représente un tiers du budget européen. La PAC est un levier essentiel dans la bifurcation écologique et sociale. Mais alors qu’un tournant radical de nos fonctionnements agricoles s’imposait, l’Union européenne a préféré signer un chèque en blanc à l’industrie agro-alimentaire, plutôt que de soutenir réellement l’agriculture biologique et paysanne.
En refusant de planifier la bifurcation écologique, à laquelle notre délégation appelle de ses vœux, l’Union européenne tente de sauver ce qu’il reste de son modèle économique ultralibéral, qui de manière irresponsable, fait passer les profits avant nos vies.
Une Europe à la hauteur de la transition écologique
“Nous sommes au bord du précipice” rappelait il y a quelques semaines le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Les dix prochaines années seront décisives pour préserver l’unique climat compatible avec l’existence humaine. Il est grand temps de mener une politique de rupture avec le modèle économique existant !
La délégation France insoumise défend une réduction des émissions bien plus conséquente que celle proposée, basée sur les données des scientifiques et des ONG, de 65% à 70% d’ici à 2030. Mais pour l’atteindre, il faut s’en donner les moyens. Et ce n’est pas en chouchoutant les multinationales comme le fait l’Union européenne que nous répondrons au problème.
Nous n’avons plus le temps d’attendre, alors que notre avenir et celui des générations futures dépendent de nos décisions en matière de climat. Face à ce problème systémique, les compromissions ne sont pas de mise. Il faut radicalement transformer notre mode de production, de consommation et d’échange. L’Union européenne doit écouter ce que réclament scientifiques et citoyens, et planifier la bifurcation écologique et sociale à même de restaurer l’harmonie entre les êtres humains et la nature. L’écologie, ce n’est plus dans dix, quinze, vingt ans. C’est maintenant ou jamais qu’il nous faut agir.