OTAN : une coopération internationale ou une mise sous tutelle américaine ?

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Organisation archaïque qui ne ressemble finalement plus qu’à un club de pays riches voulant protéger leur hégémonie sur les autres, l’OTAN est le symbole d’un mode de gestion des relations internationales qui reste coincé dans une dangereuse course à l’armement et à la suprématie de quelques-uns sur le reste du monde. Pourtant, les défis mondiaux auxquels nous faisons face ne permettent qu’une seule réponse: un sursaut international qui repose sur un multilatéralisme inclusif et transparent.

Avec l’élection de Joe Biden à la tête des Etats-Unis, une grande réorientation internationale est en train de s’opérer. La puissance étasunienne tente de regagner en crédibilité après les années chaotiques du président Trump. Très vite après avoir enfilé le tablier de gestionnaire de crise pour son pays, le nouveau président américain s’est lancé dans un road trip international d’envergure pour redorer l’image d’un pays qui fut pendant quatre ans la risée du monde entier. Sommet avec l’Union européenne, G7, sommet de l’OTAN, sommet avec la Russie. Nous avons assisté à un défilé de rendez-vous diplomatiques, sous l’égide d’un président à la reconquête d’une place de leader mondial. Pourtant, la course au leadership est loin d’être une priorité souhaitable.

OTAN, une organisation archaïque 

L’OTAN tient son existence d’un contexte international dégradé qui s’enfonce dans la guerre froide. Organisation politico-militaire créée en 1949 par les pays signataires du traité de l’Atlantique nord, l’Alliance se veut alors être la réponse au danger soviétique, par la mise en commun de forces militaires et d’une vision politique globalement partagée. Mais lorsque le mur de Berlin tombe, marquant la conclusion de la guerre froide, l’OTAN ne disparaît pas malgré la fin du système bipolaire au profit de l’hégémonie nord américaine.

Au cours de ces dernières années, cette alliance de pays riches n’a fait qu’aggraver la fracture entre pays du nord et pays du sud. Cette situation impose une compétition dangereuse par le maintien des tensions internationales et qui exacerbe la course aux armements, dans un système capitaliste concurrentiel destructeur pour l’environnement et les droits humains.

Doté d’énormes moyens, l’élite des pays riches impose ses sujets à l’agenda international, sans pour autant être dotée d’une légitimité reconnue comme celle de l’ONU – un organisme représentant 193 pays – œuvrant pour la paix et la sécurité, et pour la promotion des droits de l’Homme. Difficile alors de comprendre que les plus grandes décisions en matière de sécurité mondiale et d’armement soient prises par seulement 30 pays. 

Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales, résume bien l’archaïsme de cette organisation : “L’OTAN ne reflète plus une opposition entre un système de valeurs [celles polarisées de la guerre froide] mais l’affirmation de la prééminence occidentale dans un monde où les occidentaux n’avaient plus de rivaux. »

L’histoire de l’Union européenne et de l’organisation atlantique sont consubstantiellement liées. L’Union européenne fait sienne les obligations de dépenses militaires de l’OTAN. Il faut consacrer 2% du PIB à la défense, sous peine de se faire conspuer par les Etats-Unis d’Amérique. Pour entrer dans l’Union européenne, « l’euro-atlantisme » reste de mise également. La Serbie refuse d’adhérer à l’OTAN et c’est notamment une des multiples raisons qui explique le retard pris dans les négociations d’adhésion à l’UE. Enfin, l’appartenance de la Turquie à l’OTAN explique en partie la timidité des réactions de Bruxelles à la répression et la destruction en cours de l’Etat de droit à Ankara.

C’est là l’héritage d’une vision obsolète de la scène internationale, comme si aucune évolution n’avait eu lieu depuis 70 ans. Cette domination occidentale, menée par les Etats Unis, a été le loup caché dans le discours du nouveau président américain, qui a appelé l’Alliance à faire front à ses côtés contre la Chine.

Biden tente de partager le fardeau de ses propres préoccupations

La guerre commerciale lancée par Trump contre la Chine n’est pas abandonnée par le nouveau président américain. Loin de là, il en a fait son thème principal lors du sommet de l’OTAN, souhaitant un soutien franc de l’Alliance. Alors que les Etats Unis ont été très affaiblis en termes de leadership international durant les quatre dernières années, la Chine, elle, bénéficie d’une croissance de 8.5% en 2021, malgré la crise sanitaire, et pourrait bien mettre fin au long règne de l’impérialisme américain.

Une situation que Biden va donc tenter de contrer, en souhaitant enrôler l’Union européenne dans sa bataille contre la Chine. Une guerre commerciale qui n’a en réalité qu’un objectif unique : le rétablissement de la puissance américaine perdue.

Bien que la Chine ait incontestablement un modèle de gouvernance inacceptable, par l’application d’une politique répressive et autoritaire, nous n’avons pas à entrer dans le jeu des Etats-Unis qui, sous couvert de parler d’alliance pour le bien commun, n’ont pour seul objectif que de retrouver leur suprématie. Pas question d’entrer dans cette escalade de tensions qui n’existe que pour déterminer qui est le plus riche, le plus armé, le plus dangereux. 

Un sursaut international pour un changement de cap 

Face aux défis que nous devons relever, la réponse ne se trouve pas dans le surarmement et l’escalade des tensions entre les pays. C’est collectivement que nous devrons répondre à la crise environnementale qui concerne l’ensemble de la planète. Mais elle n’est pas le seul danger qui nous attend. Le gouffre des inégalités sociales n’a jamais été aussi exacerbé. Alors que des millions de personnes à travers le monde subissent la crise, une poignée d’ultra riches et de multinationales s’accaparent toutes les richesses. Ambiance générale qui profite à la montée des idées fascistes, une percée des extrêmes que l’Union européenne subit, sans pour autant mener une politique courageuse pour l’endiguer de manière durable.

Ce n’est pas en divisant la planète en plusieurs “clubs” de pays riches dominateurs animés par une politique unilatérale que nos sociétés vont évoluer dans une logique progressiste des droits humains et de sauvegarde de l’environnement. La dépolarisation post guerre froide a entraîné l’arrivée d’une multitude de nouveaux acteurs qui ont désormais un poids international. Dans ce cadre, pourquoi rester dans un processus décisionnel fermé et opaque dirigé par ceux-là même qui sont en partie responsables de l’effondrement écologique et social ? 

Il est grand temps de poser les jalons d’une intégration sociale internationale à travers la mise en œuvre d’un multilatéralisme inclusif. Il faut mettre fin à la banalisation de l’humiliation interétatique, stopper les courses à l’hégémonie, et instaurer une coopération globale saine et transparente, réalisable par le partage d’objectifs communs : répondre aux défis immenses que sont l’urgence climatique, sociale et démocratique.

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