Le 16 septembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononçait son discours annuel sur l’état de l’Union. L’occasion pour elle de fixer, devant les députés européens réunis en session plénière, les grandes lignes de la politique européenne sur les douze mois à venir.
Au cœur de son discours, une annonce était particulièrement attendue : le plan de la Commission pour atteindre l’objectif de neutralité climatique en 2050, c’est-à-dire l’équilibre entre les émissions et les absorptions de gaz à effet-de-serre.
Changement de méthodologie
Première étape de ce plan, réduire les émissions de gaz à effet-de-serre (GES) d’au moins 55% d’ici à 2030, en comparaison avec le niveau d’émission de 1990.
Et sur ce point, le discours de von der Leyen marque un changement important dans la méthodologie et l’élaboration des politiques européennes : l’intégration des processus naturels d’absorption du CO2, autrement appelés « puits de carbones ».
Jusqu’alors, les différents objectifs fixés par la Commission ne concernaient en effet que les émissions. C’est à dire, pour faire simple, réduire le volume de gaz rejeté dans l’air du fait de l’activité humaine.
Ce changement pourrait aisément passer pour un détail. Il a pourtant toute son importance.
En effet, en intégrant les puits de carbone à sa méthodologie, la Commission européenne donne avant tout la possibilité aux États membres de l’UE de ne plus agir directement sur les émissions de GES, mais de les compenser en augmentant l’absorption de ces derniers.
Un pari risqué
Pourtant, à l’heure actuelle, l’humanité ne possède ni les moyens, ni les connaissances suffisantes pour mener à bien une politique d’absorption de GES. Comprenez : il n’existe aucune technologie de captation et de stockage de CO2 à grande échelle, et la science n’est pour l’instant pas parvenue à maîtriser les cycles de stockage et de déstockage par les océans, les sols et les forêts.
Exemple de notre méconnaissance criante : la plantation de 11 millions de sapins par la Turquie en 2019, pour constituer artificiellement un « puit de carbone » forestier. Résultat : 90% d’arbres morts de sécheresse dans les 3 mois suivants.
Pire encore, les recherches scientifiques ont montré que l’absorption de GES pouvait avoir des conséquences graves sur l’environnement. On sait par exemple que l’augmentation du volume de CO2 dans les océans provoque leur acidification, désastreuse pour la vie marine.
L’annonce de la Commission paraît alors invraisemblable : pourquoi et comment compter sur quelque chose qu’on ne maîtrise en aucun point, et qui peut avoir un coût écologique important ?
L’effet d’annonce d’Ursula von der Leyen
La réponse est simple : il s’agit d’un tour de passe-passe de l’exécutif européen.
En incluant les puits de carbone dans sa méthodologie, c’est à dire les gaz captés par la nature, la Commission fausse mécaniquement l’objectif de réduction des émissions GES.
Comprenez : si l’objectif annoncé est de 55% en 2030, il n’est en pratique, que d’environ 50%, les 5% restant devant être absorbés par la nature.
Le volume de GES absorbé par les puits de carbone devient alors un « volume autorisé » d’émission de gaz pour l’homme, puisque la nature s’occupe de le faire disparaître…
En modifiant sa méthode de calcul, la Commission européenne fait donc d’une pierre, deux coups : elle gonfle artificiellement ses objectifs, et repousse la mise en place d’une véritable politique de réduction des émissions de GES.
Mettre en place une politique ambitieuse
La délégation France insoumise au Parlement européen dénonce cette arnaque. Seules des méthodes scientifiques rigoureuses et quantifiables sauraient être une base sérieuse pour la politique climatique de l’Union européenne.
Il est indispensable de cibler nos efforts sur la réduction des émissions de gaz à effet-de-serre dues aux activités humaines, sans prendre en compte leur incertaine absorption naturelle dont nous n’avons pas les cycles en main, et sans parier sur le développement futur de technologies hasardeuses.
Nous proposons ainsi la réduction des émissions de GES d’au moins 65% d’ici 2030, sans biais méthodologique et sans spéculations technologiques. Cet objectif, cohérent avec l’Accord de Paris, est le seul chemin vers la neutralité carbone.
Face à l’urgence, l’heure n’est pas aux magouilles comptables et autres tours de passe-passe. Permettre au capitalisme libéral de continuer à polluer en sauvant les meubles ne saurait être une issue. C’est tout l’inverse : il faut radicalement changer notre mode de production, de consommation et d’échange, en planifiant la bifurcation écologique et sociale afin de rétablir l’harmonie entre les sociétés humaines et les écosystèmes.
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⤵️ Retour sur notre première année de mandat au Parlement européen
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